Du Nord à l’Ouest, la monotonie
Je quitte avec regret Ahipara d’autant qu’une erreur de route me permet de découvrir l’autre côté du village, séparé en deux bourgades par un promontoire rocheux. Il est l’ultime lieu de vie de l’immense plage péninsulaire, de 90km de long, au Nord Ouest du Cape Reninga la “Ninety Mile Beach”.
Les étapes vont s’enchaîner à travers un paysage monotone de “stations » d’élevage. Seul le ferry de Rawene vient rompre cette verte campagne pour franchir le bout d’un fjord profond, ouvert sur la mer de Tasmanie.
Entre mer et montagne
L’étape suivante sera celle d’un changement brutal de paysage et simultanément d’une baisse de moral et de forme physique inquiétante.
À Opononi Le bord de la côte est bordé de dunes façon le Pyla. C’est un rendez-vous de pêcheurs en raison du retour des poissons dans le fjord depuis l’abandon de la pêche au chalut,
C’est aussi un village connu de tous les Kiwis pour l’histoire de son dauphin «Opo». Ce mammifère s’était installé dans ce fjord à sa convenance et s’était pris d’affection pour les humains qui le lui rendaient bien, jouant avec lui dans ce delphinarium naturellement improvisé.
Hélas le dauphin mourut et toute la Nouvelle Zélande en fut affectée. Un mémorial et un musée lui sont désormais dédiés en reconnaissance de l’amitié extraordinaire entre les Hommes et Opo.
Cette parenthèse refermée, je sais que je vais bientôt me retrouver à escalader avec mes sacs les 15km de montée dans des forêts sub-équatoriales humides sans être assuré d’un hébergement.
Une pluie d’orage comme pour me saluer n’arrange rien.
Le doute m’envahit et je vais peut etre passer une heure à me demander ce que je fais dans cet endroit perdu et si je parviendrai à m’en sortir. Les forces revenant après un ravitaillement dans une petite supérette au pied de la montée, je me décidais à gravir la difficulté du jour dont je m’étais fait une montagne. En fait ce fut une bonne surprise. Une pente régulière, équivalente en longueur et en pourcentage à la montée du mont Mouchet me conduisit progressivement et de mieux en mieux à l’entrée du parc National de Waipoua Forest. Nicolas m’en avait parlé, je ne fus pas déçu. Une longue promenade aménagée permet aux visiteurs de s’approcher sans risques sanitaires pour les arbres du parc où règnent sans conteste les majestueux Kauris.
« Tane Mahouta », ou le seigneur de la forêt
Il est tellement imposant que je ne l’ai pas vu à mon premier passage. Son âge, évalué à environ 2000 ans, le consacre comme l’un des plus vieux arbres vivant sur terre. Avec une hauteur de 51m et un tronc de 14m de circonférence, Tane est selon les croyances Maoris, le fils du ciel Ranginui et de Papatuanuku la terre, sa mère. Il est le père de toutes les créatures vivantes sur terre. Nous ne sommes spirituellement pas éloignés des croyances panthéistes Incas qui vénèrent comme divinités les éléments naturels qui influencent notre vie sur terre.
Moi c’est une personne du Staff qui va contribuer à redonner à mon moral l’optimisme nécessaire en me confirmant qu’en bas de la descente je trouverais, après un petit pont, un chemin en gravel qui me conduirait jusqu’à un campground libre. Il n’en fallait pas plus pour que je passe une bonne nuit.
La montagne ça vous gagne et la plaine ça vous peine
Le lendemain la réplique de la côte de la veille complétée par le piedmont du parc national fut une formalité plaisante. Arrivé à Gardaville, je retrouvais au bord de l’estuaire de la Kaipara river un peu de vie dans un très vieil hôtel indiqué par le staff du campground fermé, d’une ville quasi déserte, qui se meurt lentement.
L’estuaire avec ses eaux sablonneuses, sans l’ombre d’une aile d’oiseau, est un décor qui contribue à la morosité ambiante. Morne plaine aurait écrit Victor Hugo. J’ai le vent de face pour me retenir jusqu’à ma prochaine rencontre, un hollandais Johnny Hollemberg. Marié à une Neo Zélandaise il connaît Clermont car il a un ami aux Fades les Ancizes ! Encore une fois le monde est tout petit…Puis, j’ai tourné le dos au vent pour arriver à Paparoa petit village au campground accueillant. J’y resterais deux jours, le temps de visiter l’extraordinaire musée Kauri consacré à cet arbre aux qualités de bois inégalées et parallèlement, à la folie cupide et destructrice qui s’empara des colons du début du 20ème siècle pour mettre à terre ces géants sacrés, aujourd’hui fort heureusement très protégés. J’ai également profité de cette journée que je m’étais octroyée par sécurité pour réserver mon bus et mon hôtel à Auckland au départ de Wellsford ma 50ème et dernière étape vélo.
Quel dénouement?
Le jour de mon retour est proche avec la révélation de l’authentication de la famille de Raymond Watson, le pilote du Stirling qui s’est écrasé dans la montagne près d’Orcival.
Mais cette histoire appartient à la grande Histoire. Elle viendra mettre un terme à mon voyage au pays de la terre volcanique, riche de sa diversité culturelle et de son rugby, porté par le Haka, danse guerrière, fierté du peuple Maori, comme un symbole sportif d’un peuple uni sous le maillot des All Blacks respecté dans le monde entier.