Christchurch la vie en vert
Détruite en 2011 par un tremblement de terre, Christchurch, 2ème ville du pays avec 380 000 habitants à du mal à panser des plaies urbaines ouvertes sur des places de parkings. Passé ce constat, presque non dissimulé derrière quelques murs en trompel’œil, cette ville a su réorganiser son urbanisme autour de deux points forts qui se rejoignent: d’immenses parcs arborés, tels le Hegley Parc et les jardins du “Botanic gardens”, où les arbres centenaires ont survécu et une vie trépidante, jeune, insouciante dans le quartier modernisé du « riverside » de l’Avon river. Le fleuve s’y prélasse, enserrant les les pelouses de ses lascifs méandres pour venir mourir lentement dans le Pacifique, l’embrassant de son delta dans un dernier baiser.
Toute une flore submerge les rives de senteurs et de couleurs. La faune locale en profite paisiblement. Canards, lapins de garenne, oies, poissons et anguilles font bon ménage, à peine dérangés par des barques barrées par des perchistes en costumes d’époque 1900.
J’y retrouverai Steve et son épouse venus passer quelques jours à Christchurch. Ce fut un authentique moment d’amitié, avec le partage de mon voyage dans leur pays et de futurs projets autour de l’organisation de la coupe du monde de rugby en France.
Dernier cliché pour cette ville, sans doute la plus attractive que j’ai visitée: son tramway.
Un circuit a été repensé pour faciliter sa découverte à bord d’authentiques tram du XIXème siècle, par des arrêts successifs, libres d’accès avec le même billet.
Plus que jamais le “verre”, symbole de convivialité, domine partout, et c’est plaisant.
Akaroa mythique village français
C’est en bus que je pars découvrir la baie où débarquèrent les français conduits par Jean François Langlois. Ce capitaine baleinier obtint l’autorisation des Anglais, liés par le traité de Waitangui du 6 février 1840 aux chefs tribaux Maoris, d’y installer l’unique colonie française des deux îles. Aujourd’hui il ne subsiste plus grand chose de cette épopée et seules les tombes du cimetière témoignent de notre présence insulaire. Cependant ce caractère «so frenchy» est devenu un bon argument de vente, associé au cadre exceptionnel de la baie et de sa faune marine. La famille d’Hector le dauphin, les otaries à fourrure, et les pingouins Antarctique en sont l’attraction touristique principale.
Préparation du vélo
200 km sur une piste en gravel sont prévus au programme après Hanmer Spring que je rejoindrai en bus évitant ainsi le trafic de la highway n°1. Je visite plusieurs magasins de vélos ouverts le dimanche et trouve mon bonheur en remplaçant mon pneu avant usé par un autre plus adapté pour ce défi. Je compléterai ce changement par une pompe et une cartouche d’air comprimé. Ainsi équipé je suis prêt à affronter ce que je pressens difficile.
Traversée du Canterbury et du Malbourough
Difficile n’est pas le mot. C’est un choc physique. Au delà, pour moi, c’est aussi une remise en question. Comme à chaque fois l’aventure présente deux faces qui s’opposent sans nuance. Dans la balance des éléments je placerai côté « black » un chemin très exigeant par la nature de sa piste, un gravel impossible surtout en arrivant dans le Marlborough, des montées brutales incessantes suivies par des descentes en équilibriste, freins serrés, à en crisper les mains, enfin un poids de ma liberté sur le vélo beaucoup trop élevé pour ce terrain de jeu.
Côté merveilles, des paysages variés au volcanisme atypique, la planète brutale dans son expression originelle. Après, tout n’est qu’une question de logistique, nourriture, eau, repos, campements, chaleur doivent être gérés de façon primaire, mais rigoureuse.
On en ressort épuisé mais les yeux remplis de ces canyons de lave figée dans le mouvement, de ces vallées perdues ou des rivières semblent chercher leur écoulement entre des galets aux mille nuances de gris. La piste s’est pendue au ciel entre les dômes, mais ce ciel azur a fait naître des millions d’étoiles à jamais dans le regard. Wim, c’était impossible, c’est pour ça que je l’ai fait.
Farmers: les gardiens de l’héritage
Tracey et John Cochrane, rencontrés au camping de Blenheim, possèdent une ferme à Clinton, petit village que le hasard m’a fait traverser au point le plus méridional de ma route, entre Gore et Balclutha. Intrigué par l’étrange monument d’un équipage de 4 chevaux tirant une carriole, j’en avais saisi la photo peu banale. Eh bien, vous savez quoi ? C’est le père de John qui a fourni la charrette, le monde est décidément petit !
Avec 10 000 moutons et 800 bœufs Angus, ces agriculteurs ne “chaument” pas: reproduction des troupeaux, 25 % des brebis et vaches sont conservées chaque année à cet effet, tonte de la laine, stockage du fourrage pour l’hiver, soins des animaux sont leur lot quotidien. La viande produite répond à une attente du marché mondial. Mais la vie a changé et désormais ils entendent bien prendre quelques vacances pour découvrir leur propre pays. Au-delà du travail à la ferme, les « farmers » sont les gardiens d’un héritage que 3 générations de pionniers leur ont transmis.
C’est dans cette vie dure que les racines éducatives des Neo Zélandais puisent tout leur sens.
Petit traité psychologique des Kms
Qu’ont le veuille ou non, votre œil est trop souvent capté par ce rectangle de plastic noir, fixé au guidon, le compteur kilométrique. Son écran magique enregistre et dissèque tous vos efforts. En fait, ce qui compte vraiment, c’est ce que vous en déchiffrerez au final… qui n’est pas toujours ce qui compte!
Pour ma part, j’en retiens une chronologie plus mentale que physique. De 0 à 10k la fraîcheur domine et ce chiffre s’offre à vous par surprise. De 10k à 20k c’est long, interminable. De 20k à 40k dur, lassant. Arrivé à 50k le décompte s’inverse et ça va de mieux en mieux.. passé 60k on est bien, la pluspart du temps. Après un petit passage douloureux de 80k à 90k, il faut attendre le 120ème km pour éprouver à nouveau l’envie de tout arrêter et de sortir la toile de tente de sa sacoche…mais tout ceci n’est que “contes” de Pierrot qui, sur la route, font de bons amis quand même!
Retour à la case départ
De retour à Picton j’ai réservé mon passage sur le ferry, un hôtel à Wellington, un rendez-vous avec l’ASR, organisation nationale des vétérans le lundi 13 et un bus pour éviter l’autoroute nº1 mais aussi une étape à Auckland en remontant jusqu’à Whangare vers le cap Reninga, à la pointe de l’île du Nord.
Un cyclone est par ailleurs annoncé au large de l’île, dont la trajectoire est encore incertaine, mais c’est une autre histoire…