La pluie du Pacifique s’invite
Depuis Westport jusqu’à Ross mes trois étapes pour 255 Km ont pour dénominateur commun la pluie comme compagnon de route. À un petit crachin océanique succède, une pluie fine, puis des seaux d’eau d’un nuage qui perce et libère tout son contenu d’un coup. Puis le cycle reprend sans répit, interminable. Ça fait partie du voyage vélo, il faut l’accepter car c’est incontournable.
Mais voyage pluvieux, n’est pas heureux et le moral est dans les chaussettes qui baignent. En fait bien protégé, on est plutôt pas mal, en veillant toutefois à redoubler de prudence dans les descentes. Mais faire sécher ses vêtements, prendre soin de son matériel et des publications mouillées, monter et démonter sa tente est un enfer aux étapes. Après la pluie vient le beau temps. Le chaud soleil d’été réapparaît sur la montagne au départ de Whataora pour la petite liaison de 33km jusqu’au glacier Franz Josef.
Une pâle langue glacière
Ce village, fut fondé dans le début du XXème siècle par des passionnés de montagne. Ils commencèrent par la construction d’une cabane pour permettre à la société Neo Zélandaise de découvrir le glacier. Aujourd’hui Franz Josef est devenue une station entièrement dévolue à un tourisme familial populaire autour du glacier l’attraction principale. Hélas il rétrécit infailliblement et sa langue a perdu 5km depuis 1902 comme 80% des glaciers terrestres qui vont disparaître.
Alors VTT, randonnées forestières, kayak, eaux chaudes en SPA tropicaux, relèvent le défit pour maintenir l’activité. Je n’ose pas parler des hélicoptères dont le ballet assourdissant permet aux visiteurs de se faire une opinion en vision directe du réchauffement climatique…À défaut de pouvoir marcher sur la glace ce sont les pales d’hélice qui suppléent la pâle glaciation…un comble absurde mais c’est le business !
Surprise sur prises
Au départ de Greymouth, je me détermine pour le renouvellement de ma trousse médicale sans attendre Wanaka. Mon ordonnance traduite en Anglais en poche, je file vers la seule pharmacie de la ville grise, mais la procédure exige une contre ordonnance certifiée par l’hôpital. 4h me seront nécessaires pour obtenir mes médicaments…les mêmes qu’en France! Les maladies sont internationales et se moquent des frontières, pas de la gestion, qui reste, et c’est normal, à ma charge.
Trois rencontres marqueront ces étapes. Mark le canadien de Toronto que j’ai retrouvé à Greymouth puis à Ross mais qui s’est évanoui revendiquant l’indépendance du voyageur cycliste autonome après Whataroa. Son anglais et son carnet de route ont été d’un précieux secours pour moi.
A Whataroa je rencontre deux jeunes américains, David du Michigan et Jack du Minesota. Cette rencontre fut déterminante après 6h de pluie pour mon logement dans un hôtel fantôme, hors service public, mais dont la propriétaire louait des chambres à un prix modique.
Voilà de quoi remonter un moral humide et méritait bien un repas en commun au café du village! A Haast je retrouverai Jack qui roulait vers le col et David qui a trouvé du travail dans le campground où je me pose pour la nuit.
Enfin la rencontre d’un couple de Kiwis, Lesley et Fred qui m’ont invité à leur rendre visite à Saint Arnaud, sur ma route du retour du sud vers Picton. Pour vous « c’est peut être rien, mais ça veut dire beaucoup! »
Je décide finalement d’effectuer le trajet de Franz Josef à Haast (135km 2jours) en transfert bus pour me rapprocher de Wanaka avant la montée du col (Haast pass). Marcel, le chauffeur Belge se transforme en guide et arrête le bus pour nous permettre de prendre des photos sur tous les spots de point de vue! Du jamais vu, aller, chauffe Marcel!
Où sont passés les repères ?
En voyage vélo le temps ne se mesure plus en heures. On ne pense plus qu’en journées solaires et en contenu journalier. Se lever, ranger le matériel, plier la tente, partir (le plus tôt possible), se nourrir quand on a faim, boire souvent, faire des poses, chercher un emplacement pour la nuit, se nourrir encore (c’est obsessionnel!), sortir le matériel, écrire, dormir. En face les heures défilent, indifférentes. Sylvain Tesson écrit à ce sujet: « mon but n’est pas de rattraper le temps mais de parvenir à le rendre indifférent ». C’est le corps qui commande, c’est le cerveau qui s’adapte.
Vous êtes plutôt «du soir», vous devenez «du matin», il n’y a pas de discussion possible…Seul, en ce qui me concerne, le contrôle de glycémie m’évite des ennuis et me contraint à une surveillance de mes repas.
Il en est de même pour l’unité kilométrique. On ne compte plus vraiment en distances (cela reste tout de même une unité globale intéressante j’en suis à 1300km) mais en choix des points d’arrivées et de départs. Les étapes repos s’imposent à vous dans leurs offres de services (coucher, séchage, repas, attraction, bière). Il en va de même pour les difficultés de la route (ascensions, services et repos intermédiaires possibles) dès lors les kilomètres de votre itinéraire se gondolent de disparités. En fait ils s’adaptent aux conditions à vivre, quelquefois d’ailleurs en discordance après coup du vécu , ce qui signifie que vous avez traversé une zone de turbulences non prévues…
Pour l’heure, au campground de Haast je profite d’un magnifique soleil sur la mer de Tasmanie et la Montagne de la Région de l’Otago.
Demain, 50km de montée vers la Haast pass m’attendent, un camping en montagne et l’arrivée à Wanaka le lendemain pour retrouver Wim cycliste Belge rencontré au Chili. Le reste suivra ces éléments posés comme repères incontournables.
Mais c’est une autre histoire…